Le navire côtier grec du VIe siècle avant notre ère.

Le bateau antique

 

Deux bateaux grecs, du VIe siècle avant notre ère, furent mis à jour, parmi 14 épaves, lors de l'aménagement de la place Jules Verne en 1993 (construction d’un parking souterrain).

 

 

 Un de ces deux bateaux, baptisé le « Gyptis », a été reconstitué par le Programme d'archéologie expérimentale dans le cadre de Marseille Provence 2013, capitale de la culture.

 Ce fut un bateau coulé et non pas abandonné, peut-êtret par une fausse manœuvre de navigation ou bien par un chargement mal équilibré.

Il fut utilisé par la première ou la deuxième génération de Phocéens à Massalia. Navire côtier, son épave rougeâtre suggère qu’il était destiné à la pêche au corail. Son chargement raisonnable ne pouvait pas dépasser 1 tonne et demi. Il n’était donc pas destiné  au transport d’amphores de vin et, de plus, la place de stockage était réduite. Son halage, depuis la plage au bord du Lacydon, se faisait sur troncs de bois.

Ce bateau, qui ressemble à nos « pointus » actuels, mesurait 9,86 m x 1,88m x 0.75 m et fut construit sur place (ne fut pas transporté d’un autre territoire grec).

Ses caractéristiques sont insolites. Ce bateau est un « bateau cousu «, il n'a pas de structure interne, il est construit sur bordée et assemblé par chevilles et ligatures. Les ligatures sont en fil de lin et les chevilles en bois d’olivier. On peut imaginer des esclaves découpant, en grande quantité, des petites branches d’olivier (13000 chevilles par bateau). L’ossature interne, dont les varangues, est assemblée ensuite par ligature. L’enduit est en cire d’abeille mélangée à la résine de pin.

Ce genre de bateau nécessite une maintenance régulière.

 

La restauration du bateau

 

Tant qu’il est dans la vase, le bateau est protégé de la lumière et de l’oxydation mais, sorti du site, le bois qui le constitue, gorgé d’eau, est cassant comme le verre. La restauration fut entièrement réalisée à l’Atelier régional de conservation ARC-Nucléart, situé sur le site du CEA Grenoble, un des centres du Commissariat à l'énergie atomique. Cet atelier est spécialisé dans les traitements des bois archéologiques gorgés d’eau. Le traitement du bateau antique se déroula en deux temps.

 

La première phase consiste en une imprégnation des bois par une résine appelée polyéthylène glycol (PEG). La cellulose, principal constituant du bois, se présente sous forme de chaîne linéaire de molécules et celle-ci a complètement disparue dans le bois gorgé d’eau. Le PEG va prendre sa place. Les bois sont plongés dans des piscines pour une durée d’environ 10 mois avec une concentration de polyéthylène de plus en plus élevée.

Il faut ensuite effectué un balayage de rayon gamma pour fixer, durcir et polymériser le polyéthylène.

La seconde phase est l’évaporation de l’eau résiduelle par lyophilisation. Le bois est placé dans une grandes cuve appelée lyophilisateur où la température descend jusqu’à -40°. L’eau cristallise et, sous l’effet du vide créé dans la cuve, l’eau passe directement de l’état solide à l’état gazeux : c’est la sublimation.

 

 

Le fac-similé

 

La construction du « Gyptis » a commencé en février 2013 et a duré 8 mois. Les essences de bois proviennent des pins de Gémenos, dont certains recherchés pour leur courbure particulière dont seront extraites les varangues. Les ligatures sont en lin et chanvre. L’enduit est constitué de poix, cire d’abeille et huile de lin.

La proue est décorée de deux yeux grecs, dessins retrouvés sur les vases antiques et censés protéger le navire. La poupe est équipée de deux gouvernails latéraux, non retrouvés sur le site antique mais équipant également d’autres épaves de l'antiquité, en particulier celle, datée de -60, retrouvée dans la Madrague de Giens en 1972.

Le 12 octobre 2013, la mise à l’eau du « Gyptis » fut un grand moment d’angoisse : comment allait-t-il naviguer ?. D’autres répliques de bateaux antiques ont vite coulées ! Eh bien tout fut parfait.

 

Les essais permirent ensuite d’affiner ses caractéristiques de navigation . La voile, carrée, de 25 m2 de surface, permet au bateau de naviguer jusqu’à force 6 (sur l’échelle de Beaufort) soit une légère brise. Il peut atteindre 4 nœuds (environ 7,2 km/h).

Depuis fin 2023, le bateau est sur cale pour son entretien car de petits mollusques ont creusés de fines galeries dans sa coque. Il devrait être prêt, lui tout frêle, pour accueillir la flamme olympique venant de Grèce à bord du grand trois-mâts, le Belem, le 8 mai 2024.

Quel symbole pour Marseille, héritière de l’antique Massalia !

 

 souces : CNRS-Centre Camille Julian